mercredi 22 juin 2016

Pierre Gattaz : un homme en cheminement


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Dans son interview à La Croix (20 juin), Pierre Gattaz, président du MEDEF, montre à la fois des préoccupations humanistes et un référentiel idéologique teinté de luttes de classes.

Commençons par le pire et finissons par le meilleur.

« Les Français ont trois problèmes »… « vous avez une France »… « une France qui a laissé son industrie péricliter » : ces éléments de langage montrent combien Pierre Gattaz se sent à l’extérieur de la situation qu’il décrit. Il ne dit pas « Nous, les français, nous avons 3 problèmes », ni « notre France », et ne remet pas en cause, dans la désindustrialisation de notre pays, le rôle actif des Conseils d’Administration et des C.E.O. qui, au nom de leur optimisation, ont renié leur patrie en la privant des emplois, de l’enracinement du peuple et de son industrie dans sa terre. Et quand il accuse les français de se refermer sur eux-mêmes, a-t-il seulement le début de la conscience que l’industrie s’est refermée sur une logique propre, financière, en oubliant qu’elle est le moyen donné aux hommes pour leur épanouissement, et non sa propre finalité ?

Pierre Gattaz demande à tous les acteurs (population et hommes politiques) d’accepter l’économie de marché : « on n’a pas trouvé mieux », assène-t-il. Pas si sûr. Durant les 30 glorieuses, l’économie était moins libérale, plus politique, plus équilibrée. Aujourd’hui est différent, certes, mais demain est à construire. Qui est enfermé dans sa logique ? Beaucoup de nos concitoyens sont enfermés dans des peurs, et le patron des patrons est, lui aussi, enfermé dans son propre système, dans son propre immobilisme. Pierre Gattaz aurait pu, ici, mentionner les alternatives économiques (Foccolari, économie solidaire, circuits courts, définanciarisation, SEL, etc)

 


De même lorsqu’il dit que l’entreprise est la cellule de base de la société française : cela montre à quel point son référentiel est auto-centré, mais, se rappelant à qui il s’adresse, Pierre Gattaz ajoute : « c’est une communauté de vie, la plus belle après la famille ». Ouf, on respire : quelque-chose dépasse l’entreprise.

 

« C’est comme un bateau dans la tempête : si le capitaine explique « on est à 3 jours du port, on va travailler dur, et tous à son poste, ça va secouer très fort mais je sais où est le port et le bateau est solide », alors, l’équipage suit et arrive au port. Aujourd’hui, on ne sait pas si le bateau France est solide et si le capitaine a un cap ».  L’analogie est intéressante, mais Pierre Gattaz ne va pas jusqu’au bout. Le problème de la désespérance de notre peuple est qu’il croit qu’il n’y a pas de port, parce qu’on lui répète que rien ne s’arrêtera jamais, que la concurrence est partout toujours plus rude, etc…

Et comme il n’y a pas de port, l’errance dans la tempête n’a pas de sens. Et comme il n’y a plus de paradis, même au Ciel, c’est la vie elle-même, pèlerinage terrestre, qui n’a plus de sens.
Quant à la question de la rémunération des patrons, Pierre Gattaz veut « récompenser la réussite », ce qui est juste, et qui serait encore plus juste s’il intégrait dans son raisonnement ce fait indubitable : la réussite et les efforts sont ceux de tous : ceux qui sont licenciés, ceux qui restent pour travailler plus et qui subissent les changements d’organisation. Le partage équitable n’est pas abordé, et c’est dommage qu’il n’y ait pas un mot pour tous les niveaux hiérarchiques, de Carlos Ghosn à l’intérimaire.




La fin de l’interview est plus heureuse : Pierre Gattaz cite la CFTC comme courageuse, met la priorité sur l’outil « dialogue social », vague héritage des corporations de l’ancien régime. Pourtant, on retrouve immédiatement l’idéologie voltairienne lorsqu’il dit que , en cas d’échec, il faudrait « quelqu’un d’éclairé qui fasse les réformes en 6 mois ». Un despote éclairé. On sait ce que cela a donné dans l’Histoire.
Cet été, le MEDEF se lancera dans une grande opération de communication pour redorer son blason : tournée des plages, Tour de France….et cela est excellent : des entrepreneurs à la rencontre des français durant leurs congés payés, c’est tout un symbole, et une occasion de retisser des liens, d’enraciner Monsieur Gattaz dans notre peuple de France qui l’a mis au monde et auquel il appartient.

mardi 21 juin 2016

AIRBUS et SAFRAN : Opération DAY ONE


Comment cela va-t-il se faire ?

Airbus et Safran rapprochent leurs activités sur les lanceurs. Voir nos articles précédents dans ce blog 
L'accord sur les apports partiels d'actifs par cessions est disponible, et définit le processus : 
 
Airbus Defence and Space apporte des actifs à ASL sous forme d’établissements « distincts » et de participations dans des entreprises. En échange de quoi ASL (Airbus Safran Launchers) émet 1,2 miliards d'actions à 1 euro chacune.
SAFRAN apporte également des établissements distincts et de la trésorerie, immédiatement utilisée par ASL pour acheter des actifs complémentaires à AIRBUS Defence and Space. Ce n’est donc pas une soulte mais un apport en capital à ASL qui paie Airbus Defence and Space S.A.S.

Un régime fiscal de faveur est prvu par la loi et sollicité par les Groupes (surtout par AIRBUS).

Pourtant des questions demeurent, pour la CFTC : on n'est certes pas sur une fusion, ni sur une absorption, donc la représentativité de la CFTC dans ASL avant recapitalisation par apports d'actifs ne se transmet pas à la grande ASL recapitalisée.
Mais comment calculer cette représentativité? Comment déterminer le début de cycle? 
Le scénarion des RH est très défavorable à la CFTC et nous nnous réservons le droit de porter la question devant les tribunaux. C'est à l'étude avec la Fédération de la Métallurgie.

Pour ce qui concerne les salariés eux-mêmes, présents pour l'essentiel sur le site des Mureaux, mais rattachés à l'établissement unique d'Issy les Moulineaux, on ne sait pas ce que devient leur contrat de travail : mutation d'Issy aux Mureaux où ils sont déjà? Que devient la représentation de l'établissement d'Issy, puisque la DUP est dissoute?

Les questions financières semblent résolues, mais les questions sociales ne le sont pas. Quant à Ariane 6, un gros travail reste à faire, dans la douleur, pour que ce lanceur voie le jour en temps et en coûts annoncés.

BREXIT ou pas BREXIT ? L’Europe et la CFTC en question ;


Avez-vous remarqué comme la question principale qui est posée avec le Brexit est une question financière : le rôle de la City, la fragilité de l’Euro, la crainte pour le £, la Grande Bretagne ouverte sur le monde entier et enfermée dans la région Europe, etc.
Le projet européen se résumerait-il à « finance » et « technocratie » ? Si c’était vrai, la Grande Bretagne aurait des raisons de quitter le navire fou.
Mais pour la CFTC, l’Europe ne se résume pas à cela, et même, l’Europe ne doit pas être cela d’abord, mais un ensemble de pays distincts heureux de faire se rencontrer de façon pacifiée des peuples aux histoires partagées, ayant beaucoup en commun, mais également des cultures très différentes et enrichissantes. L’Europe est d’abord culturelle et historique, forgée dans le sang, la foi et l’humanisme.
Qu’on se le rappelle : la C.E.C.A., communauté européenne du Charbon et de l’Acier, n’était pas une fin en soi, mais un moyen pour que les peuples allemands, belges, néerlandais, luxembourgeois et français travaillent et se rencontrent dans un nouveau contexte.
Aujourd’hui, au cœur même d’Airbus, la question financiaro-industrielle perturbe le « vivre » et « travailler » ensemble. L’économisme prend le pas sur le projet humain. Le virus du soupçon nationaliste reprend vigueur avec la perte de sens réel de l’aventure qui nous unit. 
Ceci est certainement vrai dans d'autres groupes internationaux qui ont des établissements en France. C’est pourquoi il est si important que le « vivre » ensemble prenne le dessus. Tables linguistiques au restaurant d’entreprise, correspondants étrangers pour les enfants du personnel, familles d’accueil pour les collègues en mission professionnelle : tout est à construire, au service de la vie.
Et là, les sections syndicales  CFTC ont certainement beaucoup à proposer, concrètement !

Le sens du travail


Matthieu Deschessahar, professeur à l’Université de Nantes, a donné une conférence à Triel/S dont vous avez pu lire le compte-rendu dans ce blog, et que vous pouvez désormais retrouverEt, en version sonore et en transcription intégrale sur le site internet de la paroisse de Triel.
Matthieu Detschessahar était également l'invité de Louis Daufresne dans l'émission "le Grand Témoin" sur Radio Notre-Dame

ARIANE 5 ce Week-End : une masse record en orbite !

Succès du vol ARIANE 5 ECA V230 samedi, après trois reports, pour des problèmes d’interface fluidique, puis d’interface électrique et enfin de météo. Un nouveau record de masse en orbite GTO a été atteint : 10 731 kg !
BRAVO à tous ! Ne nous lassons jamais de nos réussites, elles ne sont jamais de la routine.
Contact : Hugues.lanteri@airbusafran-launchers.com

Anti-loi Travail, Manif pour tous : parallèles…et différences.


Une mobilisation monstre qui ne faiblit pas, des différences de 1 à 10 dans les comptages, des casseurs en marge, un Gouvernement qui n’entend pas céder, une police épuisée, des groupes alternatifs (« nuit-debout », « veilleurs »), l’injonction préfectorale de remplacer un défilé par un rassemblement statique : les ressemblances sont nombreuses. Et un peu trompeuses : les antis-loi Travail pensent surtout au droit d’aujourd’hui, alors que la MPT pensait aux droits des enfants à venir. Les veilleurs partagent sur des textes de philo et sont emmenés menottés au poste. Certains issus de nuit debout ( ?) injurient et castagnent les veilleurs, dont Joseph Thouvenel, vice-président de la CFTC, venu apporter aux Veilleurs un éclairage syndical sur « la vie à défendre ». La MPT avait accepté le principe d’une manifestation statique imposé par les forces républicaines, les anti-Loi Travail font le coup de force. 
Qui est le plus respectueux des institutions?
Pas l'Etat, entous cas, qui fait fi de ses propres règles en matière de saisine (Conseil d'Etat, Conseil Constitutionnel, etc).
Pendant ce temps, l’Europe avance en catimini sur la voie de la GPA et la commercialisation des personnes et la France résiste à peine sur ce sujet, refusant de renforcer son arsenal législatif sur la question.


lundi 20 juin 2016

Le divorce social entre générations

Il y a vraiment un "avant" et un "après" l'Iphone.
Un grand nombre de travailleurs de la vieille école, celle d'avant l'Iphone, sont attachés à des régulations, des systèmes sociaux de droits et de devoirs, une certaine forme d'égalitarisme. Par principe, cette génération n'aime pas trop les "machins à 2 vitesses".
Parallèlement, la tranche d'âge des moins de 30-35 ans, avec un grand nombre de pionniers qui les ont précédés de tous temps, préfère la liberté d'entreprendre, et ne s'encombre pas de considérations sur les droits (uniformes, pour tous, structurants) et de devoirs, mais leurs maîtres mots sont : possibilités, opportunité, indépendance. Hier et demain sont des concepts abstraits : ils veulent aujourd'hui pour aujourd'hui.
Les entreprises et les syndicats sont confrontés à cette réalité : une génération attachée à un statut social formé de réglementations, d'accords, de paritarisme. Une génération qui n'est même pas attachée au statut du salariat, ne considérant que l'intérêt du travail, du projet, de la liberté et de la réactivité dans ce projet, prompte à partir si on les emmerde avec des lenteurs insupportables, passant sans problème (en tous cas au début), du salariat à l'auto-entreprise ou à une aventure de start-up, et menant souvent les deux en parallèle.
Dans cette génération, il y a ceux pour lesquels la notoriété internet est primordiale : être vu, être aimé (liké) de plusieurs milliers, dizaines ou centaines de millier de personnes dans le monde. Partager son savoir, c'est exister, bien mieux que survivre avec des amortisseurs sociaux.

Les services RH vont donc avoir le réflexe de faire des "populations fermées", c'est à dire de figer et restreindre l'applicabilité des accords pour les personnels déjà en place, les jeunes embauchés ayant des contrats complètement individuels : contrat de prestation, contrat à durée déterminée, voire contrat d'embauche a minima.
Les syndicats dans leurs vieux réflexes vont hurler à la société à 2 vitesses, au dumping social, et voudront certainement faire perdurer un système qui n'intéresse pas, ou pas encore, les jeunes générations. Ou au contraire vont-ils abandonner la construction sociale en laissant les jeunes générations construire elles-mêmes le monde qu'elles veulent, à la fois très connecté et complètement individualiste, ayant un rapport au temps qui nous échappe complètement, à la fois casanière, voire communautariste, et ouverte sur le monde entier? Les syndicats sauront-ils trouver la voie médiane -ou tierce -  entre la nécessaire structuration de la "société" (pour qu'elle mérite ce nom), avec des critères de structuration qui leur échappent complètement aujourd'hui?

Ce que l'on constate, au niveau syndical, c'est que les services RH centraux des grands groupes industriels veulent profiter de cette révolution culturelle autour du numérique pour réduire les coûts, augmenter la profitabilité des entreprises, récupérer des gâteaux provisionnés pour l'application des accords d'entreprise. Potentiellement, on est dans le court terme, la dé-construction et les aubaines. Il y a une économie du pillage, une économie de la ruine et du recyclage : le monde ne s'arrêtera pas et nous trouverons toujours des apôtres de la déconstruction permanente pour affirmer que "c'est bon pour les affaires" et d'en théoriser le modèle.

Mais est-ce que ce sera un monde heureux?

vendredi 17 juin 2016

CFTC dans le Groiupe SAFRAN : l'étoile montante

nos 18,71% de représentativité sur Eragny (95)
permettent avec l’ensemble des résultats des sections de la CFTC SAFRAN ELECTRONICS & DEFENSE de revenir à la table des négociations des débats centraux d’entreprise  (+ de 10% l)
Bravo et félicitations à toutes et à  tous.
Dans les Yvelines, notre section de Mantes-la-Jolie aura désormais voix au chapitre central !

mardi 14 juin 2016

La CFTC de Vauban aux Mureaux fait avancer la qualité de vie au travail.

La CFTC de Vauban aux Mureaux fait avancer la qualité de vie au travail.



Après une longue période d'explications à la Direction et avec le soutien de la DIRECCTE de Mantes, la CFTC de Vauban Automobiles (établissement des Mureaux) a pu faire avancer le dossier de la filtration de l'atmosphère respirée par les ouvriers de l'atelier de ce garage. Près de 50 k€ ont été budgétés, sur un dossier élaboré par le CHSCT (Joël Coulon, CFTC). 
Afin de pouvoir procéder à la réception de cette nouvelle installation, des mesures de polluants devront (devraient?) être faites avant mise en oeuvre de la filtration, et après. Ce n'est qu'ainsi que Vauban pourra mesurer l'efficacité réelle du dispositif.
Les gaz volatils présents dans les garages contiennent des noyaux benzéniques (aromatiques) insaturés, classés comme très cancérogènes.

http://www.cftc-paris.com/la-tracabilite-sociale.htmlhttp://www.cftc-paris.com/la-tracabilite-sociale.html
Avec de la persuasion tenace et un esprit constructif, la CFTC fait avancer le bien commun en ayant raison des résistances naturelles dans un monde où le résultat financier compte avant toute chose.

lundi 6 juin 2016

Le sens du travail (fin : questions/réponses)

Questions/réponses
Comment, par l’application d’une norme, peut-on garder sa liberté de créer ? Comment peut-on être chrétien quand on produit de la norme ? Réponse : il ne faut pas oublier la finalité de la règle ou de la norme : c’est de mieux travailler. Cela suppose que les gens aient une conscience de ce que c’est que le travail qu’il y aura derrière l’application de la norme. Ensuite, il faut éviter le rêve techniciste : l’outil ne suffit pas, la norme ne suffit pas. Humilité, éviter le délire de toute-puissance. Il y a du local qui échappe à la norme, il y a une qualité du collectif, du management, qui demande des marges de manœuvres que les outils ne permettent plus. Une règle est copiable, et d’ailleurs les entreprises ont toutes les mêmes, ISO, etc… ; ce sont les gens qui font la différence.
CFTC  (Bry) Comment faire pour que la digitalisation puisse être une occasion d’un mieux ? Les entreprises parlent bcp de virage numérique. Réponse : Digitalisation = mot d’ordre permettant de préparer les troupes aux changements fondamentaux. C’est une excuse. Leur objectif est en réalité de faire passer autre chose : la culture du changement permanent, de l’instabilité, de la précarisation. Ensuite, elle permet de s’offrir un discours à moindre coût de l’éclatement du travail : flexdesk, co-working, télétravail….Objectif = économies de m² ; démagogie sur le télétravail : les gens en veulent sans en avoir évalué les impacts de fond. Ils rêvent. Quel est le monde que cela nous prépare ? Le 2.0 contribue à une société sans Auteur, particulièrement pénible en France où on aime les têtes pensantes, et là, il n’y en a plus. On nous dit que c’est inéluctable, c’est le sens de l’histoire, on n’arrêtera pas la locomotive. Le libéralisme ravale le marxisme. On a le devoir de résister, de dire non, de rester capable d’agir. Avec ces outils, on construit la prophétie des années 70 : « Le monde où tout sera permis et rien de sera possible ». Cela date des années 70. Les chrétiens, les personnes non résignées ont pour mission de s’opposer à ceux qui veulent déconstruire la souveraineté de l’homme, individuelle et collective, sur le travail et ses conditions de son exercice. Dire que c’est irréversible, c’est un affaissement de la souveraineté indigne de l’homme. « Un homme en bonne santé est celui qui peut agir sur son environnement »

Question du lean : industrie, management, administration : le lean redonne du pouvoir aux acteurs pour faire évoluer leurs process. A contrario, l’Agilité prône la co-création, collaboration mieux que des tableaux de bord : ce sont 2 courants à contre-sens l’un de l’autre. Troisième courant : l’entreprise libérée. Réponse : il y a très loin entre l’idée d’origine du lean par le japonais Ono, et leurs applications chez nous. On fait du lean, on ne fait pas du management. On fait du maigre, de l’optimisation de process, mais pas du management.
On ne peut pas sortir de 70 ans de fordo-taylorisme pour entrer directement dans la subsidiarité. L’autonomie demande plus de chefs parce qu’il y a plus de marges. Le libéralisme à fond revendique la société de l’autonomie, mais en réalité, on a besoin d’autorité : le manager ne doit pas se retirer, il doit être auteur pour faire grandir.
« Il faut libérer l’entreprise », disent les chefs d’entreprise : c’est une belle autocritique ! Autonomie = je me donne mes propres règles ; absurde quand le lieu du travail est celui de la communauté. Les chefs qui ne sont plus jamais-là ne connaissent plus nos problèmes, ne peuvent plus rien pour nous : la suppression des chefs est une catastrophe. Pourtant, il y a un courant de consultants qui prône cela….c’est une erreur.
Disparition de l’humanisme intégral : Réponse : nous avons renoncé à pouvoir dire ce qui est bon pour l’homme, parce qu’on est convaincu que le « bon pour l’homme » ne peut plus être dit. Il nous manque donc un critère de discernement. Remplacé par le critère de « génération de profit » pécuniaire ou de croissance financière. Le juge de paix n’est plus le bon, le beau, mais le profitable.
Ce mal-être au travail est-il spécifiquement français ? Non, les US l’ont vécu avant nous. On n’a pas fait de RETEX des années 90 aux US. On s’exagère beaucoup trop le mirage américain. Il y a beaucoup de dégâts, et là-bas, ils le savent.
Les penseurs du 18ème ont pensé une société de liens sociaux, alternative à l’ancienne culture fondée sur le bien commun et l’Histoire (j’ajoute : le sang), en prenant l’économie comme ciment : Rousseau = Le contrat social. Ce projet -là a désormais des armes incroyablement puissantes servies par la technique, mais incapables de créer du bonheur.

Le sens du travail (deuxième partie : carences, origine de la souffrance)

2ème partie : origines de la crise, des situations de crises.
Il y aurait mille choses à dire. Il faut faire des choix. 3 caractéristiques sont de nature à attaquer le sens du travail. Toutes bloquent les développements ci-dessus. (1)Le gigantisme ; (2) le technicisme ; (3) l’économisme (financiarisation).
(1) Gigantisme : économie de marché a accouché de bureaucraties privée gigantesque, mondiales, dont les effets pervers sur le travail n’ont rien à envier aux bureaucraties publiques des administrations ou de l’URSS. En plus, elle est mondiale ! Cela éloigne des centres de décision. Cela allonge et complexifie les chaînes hiérarchiques ; cela éloigne les chefs, marqueur identitaire essentiel pour travailler. Les managers de proximité ne sont que des descendeurs de règles établies à des milliers de km par des gens qu’on ne connait pas, règles du coup devenues intouchables. Le Corporate, auquel on ne peut pas dire que c’est un abruti puisqu’on ne le connait pas. Les collaborateurs n’ont de prise ni sur les règles ni sur les hommes. Cela détruit l’autorité des chefs de proximité. Ils n’ont plus de leadership. Ce sont des passeurs de plats. « Pourquoi je déciderais d’obéir aveuglément à un type qui ne peut rien faire pour moi ? » Souffrance pour le chef de proximité également : son travail n’est pas bon, il ne peut pas être bon (bon au sens de « bien fait » et au sens de « bienfait »). Le gigantisme blesse deux dignités : celle de la hiérarchie et celle de l’exécutant. L’évolution des technologies, NTIC, intègrent les règles dans les machines, à travers le paramétrage des systèmes d’information. Le cadre agit par les systèmes d’information, pas par son libre arbitre. Le reporting fait que les managers ne sortent plus du cockpit : ils se retrouvent déracinés du monde créateur, et le reporting – le pilotage par indicateurs - ne permet pas l’agir subjectif du travail, l’expression du talent, du savoir-faire, de la culture.
Logiciel de la relation client : tout est tabulé, le logiciel dit quel client appeler, demande un feed-back et une confirmation d’exécution. Impression grandissante de subir des forces organisationnelles sur lesquelles je n’ai pas prise, forces et organisations sans auteur, donc sans autorité. Pions à tous les étages. Ce sentiment (cette réalité) a tendance à remonter dans toute la chaîne de la hiérarchie. Tous ont ce sentiment d’être des ouvriers en col blanc, des exécutants (executives) avec une carte de chef, des facteurs du siège. Affaissement du pouvoir d’agir à tous les étages, pas de marge de manœuvre. Envisager une prise de liberté en modifiant un process ou une injonction, c’est une « Bataille avec le corporate, j’en suis fatigué avant même d’avoir commencé ». Collision brutale entre la toute-puissance des uns et l’impuissance des autres.
(2) Technicisme. Il pourrait y avoir un gigantisme alvéolaire et subsidiaire. Ça pourrait marcher. Ce qui ne marche pas, c’est le technicisme + le gigantisme. C’est croire que les règles de la solution que j’ai trouvée face à un problème seront exécutées par un outil technique. Au bout, j’aurais tout contrôlé !
Mais le travail ne peut pas, par définition, être tabulé, car il est par nature erratique, du fait qu’il contient une part d’art local, propre à une personne ou à une culture régionale. L’outil empêche d’inventer et de décider. Et en plus, on invente des systèmes de traçabilité qui doivent prouver que les règles ont été suivies. Cela crée une plus grande rupture encore avec le milieu réel, le monde opérationnel.
C’est la formation au management qui entretient ce mythe du technicisme. Formation initiale, à des gens qui ne connaissent rien du monde du travail ; et tout est coupé comme un saucisson, sans relation les uns avec les autres : RH, finance, gestion, innovation, etc…
Rêve techniciste est également entretenu par les consultants, qui ont là un marché captif qu’ils entretiennent.
(3) Financiarisation = changement majeur, technique, passé inaperçu. La financiarisation, c’est le fait que les européens, Allemagne et France, qui avaient des cultures nationales fortes, se sont depuis 20 ans ralliés au modèle de gouvernance américain. Entreprise aux mains de personnes « pas méchantes », des investisseurs dont le métier est de massifier l’épargne mondiale pour qu’elle crée plus de rendement. Les promesses de rendement devront être réalisées par les entreprises qui bénéficient de ces fonds. (j’ajoute : mais les cycles de temps ne sont pas les mêmes entre l’industrie – temps long - et les promesses de rendement – temps court – et obligations de rente – temps immédiat.)
La stratégie d’une entreprise devrait être de faire un peu moins de profit dividendisé pour relancer la machine à innovation. Il y a une finalité de l’entreprise qui a commuté : c’est générer du cash, du profit distribué aux financeurs. Ainsi, on privilégie la distribution des dividendes : l’entreprise finit par autoriser le rachat de ses propres actions pour soutenir le cours de bourse, ce qui n’est pas un investissement ; pour atteindre plus vite des objectifs de rendement, les financiers, les Conseils d’Administration et les consultants spécifient, organisent et mettent en oeuvre la chasse aux coûts : faire plus avec moins, ça a une limite, « on ne peut plus faire » : protestation des cadres à tous les niveaux de la hiérarchie, mais ils relaient les mots d’ordre par obéissance, bien que n’y adhérant pas.
Le monde de la Finance oblige au reporting financier quasi mensuel, alimenté par la ligne hiérarchique qui, pendant ce temps, ne conduit pas les projets ni les hommes.
Conclusion :
Le travail dévitalisé dans lequel ne passe plus la vie. Nous les chrétiens, nous devons être entendus. Et c’est le terrain d’origine du christianisme social, c’est génétique chez les chrétiens. La pensée sociale chrétienne se conceptualise à partir du travail, il faut donc que les chrétiens réinvestissent ce sujet.

Le sens du travail (première partie : la dignité du travail humain)

1ère partie : anthropologie du travail
1/Entrer dans le sens du travail : façon grecque. Les Aristote et autres disent…… le travail se présente à nous comme une contrainte, une nécessité : on est bien obligés de travailler, l’être humain partage avec l’animal cette obligation. C’est la NOLONTé, par antinomie avec la volonté (Henri Hude). Les grecs tenaient le travail en piètre estime et le confient aux esclaves ; l’Homme est un être libre qui doit s’en débarrasser.
Travail pour voler de mes propres ailes, travail de subsistance.
2/Mais on n’est pas tout à fait des animaux, nous sommes doués de raison, de liberté, de conscience. Le travail prend alors un sens beaucoup plus riche. Dans le travail humain, il y a donc beaucoup plus. Il est du côté de la sub-sistance, en moi-même, mais il est l’un des moyens de l’ex-istence, on se met en relation les uns avec les autres. Ceux pour qui la subsistance n’est pas un problème continuent de travailler (parfois en bénévoles) pour exister, pour aller à la rencontre des autres, du monde. L’homme est un Homo Faber.
Lieu d’existence, le travail est, comme l’amour, un lieu de déploiement, de mise en relations, de don de soi. Le travail de l’homme transforme le monde, le crée : je suis en relation avec le monde (1). Mais aussi, je travaille toujours avec et pour les autres (2) : dimension de mise en relation avec les autres. Et je me déploie aussi vis-à-vis de moi-même (3) : le travail résiste, il me met en face de mes limites, de mon progrès, il me met en relation avec moi-même.
Ces 3 relations sont essentielles pour que le travail ait du sens. Le travail est humanisant si ces relations sont contributives d’une construction. Dans le cas contraire (relations de destructions), le travail perd son sens.
2/(1) Concrètement : la relation au monde vient du fait que le travail humain est créateur, contrairement à l’animal qui subit le monde. L’homme crée le monde dans lequel il va habiter. On transforme l’environnement. J’ajoute au monde des ponts, des routes, des mots, des images, etc… j’ajoute des choses au monde, non prisonnier de mes instincts. Le travail humain, avant même de poser une question économique, pose une question porale et éthique : le monde que je crée au terme de mon travail est bon pour l’homme ? Lui permettant de se développer, de devenir plus homme ?
Voir JP2 : Laborem exercens. Le premier évangile du travail est l’évangile de la création, le premier travailleur est Dieu lui-même : il se lève le matin, il contemple et constate que c’est bon, et c’est cela qui lui permet de continuer la création. Il met au sommet, en dernier, des hommes et des femmes créés à son image, c’est-à-dire image de créateur, contemplateur, discernant le bon. Telle est la responsabilité du travail humain. Développer le royaume en créant des choses bonnes pour eux. Si nous sommes capables de répondre « oui » à la question « mon travail a-t-il été bon ? », la fatigue du travail pourra être dominée, parce qu’elle aura été justifiée.
Le sens du travail est de faire du bon travail, d’apporter des choses bonnes pour le monde par mes talents. Telle est la finalité. Un travail bien fait est un travail-bienfait. Le profit est le moyen nécessaire de continuer à créer des choses bonnes. Mais il n’est qu’un moyen en vue de ces bonnes choses à faire. Cela semble loin de nos réalités, trop théorique et philosophique…mais non, c’est très concret, car c’est l’expérience que l’on fait tous les jours. A contrario, quand on nous oblige à faire du mauvais boulot, on ne se sent pas bien. Les bons cours font les bons profs heureux. Le feed-back des élèves est une nourriture, gage de la saine fatigue, qui donne envie de dormir du sommeil du juste, une fatigue qui n’amoindrit pas. Simone Weil : la personne humaine doit pouvoir se contempler dans son travail.
Le travail alors devient une ressource pour la vie privée. On partage, on projette, on vit. Mieux vaut travailler jusqu’à 19h satisfait que jsqu’à 17h avec le sentiment d’avoir raté sa journée. La fatigue sera pire, sale, transperçante, qui empêche de dormir, parce que le lendemain, je sais que ça va recommencer : travailler sans combler les besoins vitaux.
Autre exemple : les infirmières en épidémie de Burn-Out : le problème n’était pas « on travail trop », mais « on n’arrive plus à bien soigner », du fait de l’expédition permanente de chaque acte de soin. Le sentiment du mauvais travail est une double maltraitance : du patient et du travailleur.
Dernier exemple : Le banquier, qui a besoin de se dire qu’il a bien servi son client, qu’il a proposé les meilleures solutions de financement du client. Il invente même des trucs pour se leurrer, pour survivre. Exemple : le meilleur taux immobilier, qui satisfasse le client. 2ème rendez-vous : bon taux (grand sourire, bonheur) mais piège….(aïe) : crédit revolving…. neutralisé. Ouf  (sourire)!
2/(3) Relation à moi-même : je sais qui je suis, tant que je fais du bon travail. Image valorisante qui me donne envie de me lever, qui me donne envie d’aller vers les autres. Développement de mon identité, de mes compétences, de mes talents. Le travail humanise : on devient plus. Emmanuel Mounier, philosophe personnaliste : « tout travail travaille à faire un homme en même temps qu’une chose ».
Si ma contribution personnelle n’est pas sollicitée, si ma parole n’est pas écoutée, si je ne suis pas un co-créateur mais un élément interchangeable, il y a carence.
3/(2) relations aux autres. Il y a des choses que je sais faire, mais d’autres que je ne sais pas faire. J’ai donc recours aux talents des autres : développement de la communauté ; qualité de la coopération, de la communion avec les autres, dont les compétences sont articulées avec les miennes. Dans les entreprises qui vont mal, c’est le dernier sens qui tient. « Je viens parce qu’il y a les collègues » ; « je viens parce que sinon, ce sera pire pour eux ». Solidarité constitutive de l’agir humain, du travail humain.



Le sens du travail, Conférence de Matthieu Deschessahar à Triel/S. Introductions

Le marché n’a pas de morale, ou l’impossible société marchande. Conférence donnée à Triel sous l'égide de l'Association familiale catholique et de la paroisse de Triel.
Avertissement : Ces notes prises à la volée et légèrement remises en forme n’engagent pas le conférencier : elles sont ce que le transcripteur en a perçu, avec ses propres résonnances liées à son expérience familiale, professionnelle et syndicale. Elles sont proposées à toutes les personnes que ce sujet intéresse pour être une base de réflexion mais non un enseignement « ex cathedra » faisant autorité. Hervé Bry, pour la CFTC des Yvelines.

Introduction par le Père Matthieu Berger, curé de Triel, qui témoigne d'une augmentation de la souffrance de ses paroissiens au sujet du travail.

Matthieu Deschessahar : Quiconque est préoccupé par la défense de la vie s’intéresse à la question du travail. On y passe beaucoup de temps : 50% de notre temps de vie éveillée. Si le travail n’est pas un lieu de vie, cela reviendrait à dire qu’on vivrait à mi-temps. Trouver du sens au travail est une question essentielle dans la vie. L’intuition pastorale du curé est sombre : souffrance, les paroissiens témoignent.
Double interrogation sur le travail : la question d’en avoir ou pas (le chômage), qui est la question de l’emploi, très présente dans le débat politique. On ne va pas la traiter ce soir. L’autre interrogation est absente du débat politique mais très présente dans l’entreprise : c’est la question posée par ceux qui ont du travail : le problème qui se pose est alors celui de la qualité du travail. Plus qu’avant, ils se posent des questions. Cela fait plus de 15 ans que les plaintes en provenance de ceux qui ont du travail augmentent. Souffrance, stress, burn-out, Risques psychosociaux. Si on parle de retrouver de la qualité de vie, de bien-être, c’est parce qu’on n’y est pas. Quel directeur a ces thématiques en priorité ? Peu, pas.
En amont, on a un diagnostic d’une gigantesque plainte des cadres et non cadres, qui disent que « le travail n’a plus de sens ». « Je me demande ce que je fais ici, on tourne en rond, on fait rien de bon », etc…. Ce mot de perte de sens fait partie désormais du vocabulaire de l’entreprise. Ceux qui dénoncent cette perte de sens se retrouvent devant un choix, deux possibilités : je reste parce que je suis coincé (famille, marché de l’emploi, etc…), mais alors je ne viens travailler qu’avec le petit sens du travail : gagner quelques sous (Simone Weil). Et il y a ceux qui ont le courage de déserter, surtout la grande entreprise, pour s’installer en province, développer un petit business à eux, quitte à perdre 60% de leur salaire, parce qu’ils ne peuvent pas envisager 30 ans dans ces conditions. Heureux de repartir, « même profs », asso sociale, paysagiste.
Cette perte de sens est problématique : on en fait des maladies si on n’a pas des sources d’équilibre ailleurs. Elle est pathogène pour soi et pour l’entreprise elle-même : déficit de contribution, comportement de repli, travail a minima, pas plus : c’est une catastrophe dans les entreprises. Cela se voit et du coup, les entreprises mesurent l’engagement de leurs salariés : c’est la chute libre. Enquête Gallup sur les entreprises françaises en 2015 : 10% des salariés sont engagés, pro-actifs. 60% sont désengagés : le minimum sans entrain, ceux qui viennent pour partir. 30% sont activement désengagés : des saboteurs. Même les directions sont atteintes par la perte de sens. Les managers aussi. Les managers sont sensés être des donneurs de sens, mais ce sont les premiers touchés.
Qu’est-ce qui se passe ? L’exposé est articulé en 2 parties, suivies de questions/réponses :
1ère partie : Si on veut essayer de comprendre, il faut se rappeler le fait que : c’est quoi, le sens du travail, pourquoi je travaille ? Ce n’est plus aussi évident qu’avant. « Je ne taille pas une pierre, je construis une cathédrale », cela ne marche plus vraiment. Le collectif a perdu toute consistance.
2ème partie : aujourd’hui, quelles sont les choses qui sont susceptibles de porter atteinte au sens ?
A suivre dans les billets de blog suivants.