lundi 6 juin 2016

Le sens du travail (deuxième partie : carences, origine de la souffrance)

2ème partie : origines de la crise, des situations de crises.
Il y aurait mille choses à dire. Il faut faire des choix. 3 caractéristiques sont de nature à attaquer le sens du travail. Toutes bloquent les développements ci-dessus. (1)Le gigantisme ; (2) le technicisme ; (3) l’économisme (financiarisation).
(1) Gigantisme : économie de marché a accouché de bureaucraties privée gigantesque, mondiales, dont les effets pervers sur le travail n’ont rien à envier aux bureaucraties publiques des administrations ou de l’URSS. En plus, elle est mondiale ! Cela éloigne des centres de décision. Cela allonge et complexifie les chaînes hiérarchiques ; cela éloigne les chefs, marqueur identitaire essentiel pour travailler. Les managers de proximité ne sont que des descendeurs de règles établies à des milliers de km par des gens qu’on ne connait pas, règles du coup devenues intouchables. Le Corporate, auquel on ne peut pas dire que c’est un abruti puisqu’on ne le connait pas. Les collaborateurs n’ont de prise ni sur les règles ni sur les hommes. Cela détruit l’autorité des chefs de proximité. Ils n’ont plus de leadership. Ce sont des passeurs de plats. « Pourquoi je déciderais d’obéir aveuglément à un type qui ne peut rien faire pour moi ? » Souffrance pour le chef de proximité également : son travail n’est pas bon, il ne peut pas être bon (bon au sens de « bien fait » et au sens de « bienfait »). Le gigantisme blesse deux dignités : celle de la hiérarchie et celle de l’exécutant. L’évolution des technologies, NTIC, intègrent les règles dans les machines, à travers le paramétrage des systèmes d’information. Le cadre agit par les systèmes d’information, pas par son libre arbitre. Le reporting fait que les managers ne sortent plus du cockpit : ils se retrouvent déracinés du monde créateur, et le reporting – le pilotage par indicateurs - ne permet pas l’agir subjectif du travail, l’expression du talent, du savoir-faire, de la culture.
Logiciel de la relation client : tout est tabulé, le logiciel dit quel client appeler, demande un feed-back et une confirmation d’exécution. Impression grandissante de subir des forces organisationnelles sur lesquelles je n’ai pas prise, forces et organisations sans auteur, donc sans autorité. Pions à tous les étages. Ce sentiment (cette réalité) a tendance à remonter dans toute la chaîne de la hiérarchie. Tous ont ce sentiment d’être des ouvriers en col blanc, des exécutants (executives) avec une carte de chef, des facteurs du siège. Affaissement du pouvoir d’agir à tous les étages, pas de marge de manœuvre. Envisager une prise de liberté en modifiant un process ou une injonction, c’est une « Bataille avec le corporate, j’en suis fatigué avant même d’avoir commencé ». Collision brutale entre la toute-puissance des uns et l’impuissance des autres.
(2) Technicisme. Il pourrait y avoir un gigantisme alvéolaire et subsidiaire. Ça pourrait marcher. Ce qui ne marche pas, c’est le technicisme + le gigantisme. C’est croire que les règles de la solution que j’ai trouvée face à un problème seront exécutées par un outil technique. Au bout, j’aurais tout contrôlé !
Mais le travail ne peut pas, par définition, être tabulé, car il est par nature erratique, du fait qu’il contient une part d’art local, propre à une personne ou à une culture régionale. L’outil empêche d’inventer et de décider. Et en plus, on invente des systèmes de traçabilité qui doivent prouver que les règles ont été suivies. Cela crée une plus grande rupture encore avec le milieu réel, le monde opérationnel.
C’est la formation au management qui entretient ce mythe du technicisme. Formation initiale, à des gens qui ne connaissent rien du monde du travail ; et tout est coupé comme un saucisson, sans relation les uns avec les autres : RH, finance, gestion, innovation, etc…
Rêve techniciste est également entretenu par les consultants, qui ont là un marché captif qu’ils entretiennent.
(3) Financiarisation = changement majeur, technique, passé inaperçu. La financiarisation, c’est le fait que les européens, Allemagne et France, qui avaient des cultures nationales fortes, se sont depuis 20 ans ralliés au modèle de gouvernance américain. Entreprise aux mains de personnes « pas méchantes », des investisseurs dont le métier est de massifier l’épargne mondiale pour qu’elle crée plus de rendement. Les promesses de rendement devront être réalisées par les entreprises qui bénéficient de ces fonds. (j’ajoute : mais les cycles de temps ne sont pas les mêmes entre l’industrie – temps long - et les promesses de rendement – temps court – et obligations de rente – temps immédiat.)
La stratégie d’une entreprise devrait être de faire un peu moins de profit dividendisé pour relancer la machine à innovation. Il y a une finalité de l’entreprise qui a commuté : c’est générer du cash, du profit distribué aux financeurs. Ainsi, on privilégie la distribution des dividendes : l’entreprise finit par autoriser le rachat de ses propres actions pour soutenir le cours de bourse, ce qui n’est pas un investissement ; pour atteindre plus vite des objectifs de rendement, les financiers, les Conseils d’Administration et les consultants spécifient, organisent et mettent en oeuvre la chasse aux coûts : faire plus avec moins, ça a une limite, « on ne peut plus faire » : protestation des cadres à tous les niveaux de la hiérarchie, mais ils relaient les mots d’ordre par obéissance, bien que n’y adhérant pas.
Le monde de la Finance oblige au reporting financier quasi mensuel, alimenté par la ligne hiérarchique qui, pendant ce temps, ne conduit pas les projets ni les hommes.
Conclusion :
Le travail dévitalisé dans lequel ne passe plus la vie. Nous les chrétiens, nous devons être entendus. Et c’est le terrain d’origine du christianisme social, c’est génétique chez les chrétiens. La pensée sociale chrétienne se conceptualise à partir du travail, il faut donc que les chrétiens réinvestissent ce sujet.

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