mercredi 22 juin 2016

Pierre Gattaz : un homme en cheminement


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Dans son interview à La Croix (20 juin), Pierre Gattaz, président du MEDEF, montre à la fois des préoccupations humanistes et un référentiel idéologique teinté de luttes de classes.

Commençons par le pire et finissons par le meilleur.

« Les Français ont trois problèmes »… « vous avez une France »… « une France qui a laissé son industrie péricliter » : ces éléments de langage montrent combien Pierre Gattaz se sent à l’extérieur de la situation qu’il décrit. Il ne dit pas « Nous, les français, nous avons 3 problèmes », ni « notre France », et ne remet pas en cause, dans la désindustrialisation de notre pays, le rôle actif des Conseils d’Administration et des C.E.O. qui, au nom de leur optimisation, ont renié leur patrie en la privant des emplois, de l’enracinement du peuple et de son industrie dans sa terre. Et quand il accuse les français de se refermer sur eux-mêmes, a-t-il seulement le début de la conscience que l’industrie s’est refermée sur une logique propre, financière, en oubliant qu’elle est le moyen donné aux hommes pour leur épanouissement, et non sa propre finalité ?

Pierre Gattaz demande à tous les acteurs (population et hommes politiques) d’accepter l’économie de marché : « on n’a pas trouvé mieux », assène-t-il. Pas si sûr. Durant les 30 glorieuses, l’économie était moins libérale, plus politique, plus équilibrée. Aujourd’hui est différent, certes, mais demain est à construire. Qui est enfermé dans sa logique ? Beaucoup de nos concitoyens sont enfermés dans des peurs, et le patron des patrons est, lui aussi, enfermé dans son propre système, dans son propre immobilisme. Pierre Gattaz aurait pu, ici, mentionner les alternatives économiques (Foccolari, économie solidaire, circuits courts, définanciarisation, SEL, etc)

 


De même lorsqu’il dit que l’entreprise est la cellule de base de la société française : cela montre à quel point son référentiel est auto-centré, mais, se rappelant à qui il s’adresse, Pierre Gattaz ajoute : « c’est une communauté de vie, la plus belle après la famille ». Ouf, on respire : quelque-chose dépasse l’entreprise.

 

« C’est comme un bateau dans la tempête : si le capitaine explique « on est à 3 jours du port, on va travailler dur, et tous à son poste, ça va secouer très fort mais je sais où est le port et le bateau est solide », alors, l’équipage suit et arrive au port. Aujourd’hui, on ne sait pas si le bateau France est solide et si le capitaine a un cap ».  L’analogie est intéressante, mais Pierre Gattaz ne va pas jusqu’au bout. Le problème de la désespérance de notre peuple est qu’il croit qu’il n’y a pas de port, parce qu’on lui répète que rien ne s’arrêtera jamais, que la concurrence est partout toujours plus rude, etc…

Et comme il n’y a pas de port, l’errance dans la tempête n’a pas de sens. Et comme il n’y a plus de paradis, même au Ciel, c’est la vie elle-même, pèlerinage terrestre, qui n’a plus de sens.
Quant à la question de la rémunération des patrons, Pierre Gattaz veut « récompenser la réussite », ce qui est juste, et qui serait encore plus juste s’il intégrait dans son raisonnement ce fait indubitable : la réussite et les efforts sont ceux de tous : ceux qui sont licenciés, ceux qui restent pour travailler plus et qui subissent les changements d’organisation. Le partage équitable n’est pas abordé, et c’est dommage qu’il n’y ait pas un mot pour tous les niveaux hiérarchiques, de Carlos Ghosn à l’intérimaire.




La fin de l’interview est plus heureuse : Pierre Gattaz cite la CFTC comme courageuse, met la priorité sur l’outil « dialogue social », vague héritage des corporations de l’ancien régime. Pourtant, on retrouve immédiatement l’idéologie voltairienne lorsqu’il dit que , en cas d’échec, il faudrait « quelqu’un d’éclairé qui fasse les réformes en 6 mois ». Un despote éclairé. On sait ce que cela a donné dans l’Histoire.
Cet été, le MEDEF se lancera dans une grande opération de communication pour redorer son blason : tournée des plages, Tour de France….et cela est excellent : des entrepreneurs à la rencontre des français durant leurs congés payés, c’est tout un symbole, et une occasion de retisser des liens, d’enraciner Monsieur Gattaz dans notre peuple de France qui l’a mis au monde et auquel il appartient.

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