dimanche 3 avril 2016

Révolution : amortir, désirer ou laisser faire?

Nous constatons à peu près de façon unanime que le système politique, économique, financier et écologique est à bout. C'est à qui craquera le premier. Doit-on le réformer avant la grande catastrophe pour en amortir les effets ou même y surseoir, ou doit-on la hâter? Cette question s'est posée du temps de Karl Marx et se re-pose aujour'hui. FO a clairement pris position, quittant le camp réformiste pour rejoindre la contestation dure et maintenir les choses en l'état (ou en l'Etat) et se remet à espérer le grand soir.
Pourtant, il y a une précarité insupportable : celle des chômeurs, des fins de droits, et même celle des petites entreprises et de leurs patrons. Et celle, ne le nions pas, de beaucoup de ceux qui ont la chance d'avoir un travail, trop de travail.
Faut-il mieux partager la précarité? Faut-il sécuriser ceux qui sont déjà dan une situation abritée?

Les adhérents de la CFTC sont partagés au sujet de la loi “Travail” : pour certains, on en fait toujours plus pour les entreprises, et celui qui trinque, c’est le salarié pressurisé et précarisé, le chômeur, le précaire socialement désinséré. Le monde est tellement pourri de l’esprit de production/consommation/pollution/compétition qu’on devrait arrêter d’accompagner les mutations qui reculent l’inéluctable moment où tout cela se cassera la figure, à commencer par les bulles spéculatives tellement nombreuses que l’économie semble devoir décrocher par effet de cavitation. 
 
Pour ces adhérents, l'attente est forte de ce moment tout à fait désirable où un jour tous les hommes diront : “allez, on arrête de jouer, la terre n’en peut plus, nos consciences n’en peuvent plus : vivons en paix et simplement, avec ce qu’on a”. Désirable, parce que c’est pour certains d’entre nous, l’alternative unique à la disparition de l’espèce (cf Paul Jorion, pape François). 
 
D’autres au contraire disent : “accélérons la dérégulation permise par les révolutions technologiques qui anéantiront le travail stupide machinisable, et répartissons sur tous les hommes ces gains de productivité incroyables, en réduisant le temps de travail, en permettant à chacun de vivre librement, avec un revenu de subsistance. Ainsi, chaque personne pourra faire de son temps une occasion d’exprimer ses réels talents, parfois cachés, enfouis sous la pression du quotidien, insoupçonnés même parce que les rails de la vie ne les ont jamais mis en situation de s’exprimer”. Là aussi, un bon usage du temps et une éducation ajustée aux vrais besoins de l’humanisation convergeraient avec les valeurs morales chrétiennes.
 
La troisième option, plus vraisemblable, consiste à tenter de répartir la précarité sans en créer plus : c’est le projet de la loi El Khomri. Certes plus de précarité pour les salariés, mais plus d’emplois au global (donc moins de chômeurs et de précaires très pauvres) parce que des entreprises pouvant ajuster leurs constantes de temps sociales réglementaires avec les constantes de temps de leurs marchés et perspectives de charges. Moyennant quoi le système peut durer encore un bout de temps avant une éventuelle rupture.
 
Pour ma part, je me méfie des ruptures : nourries par une pauvreté insupportable, elles se font toujours dans la violence et ce sont les plus pauvres qui trinquent, toujours. Et ce ne sont jamais les initiateurs de ces ruptures, toujours bien intentionnés et pleins d'une espérance magnifique,  qui en récoltent les fruits. Il en est plus à craindre qu'à en espérer, comme l’a si souvent montré l’Histoire, de 1789 à 1917 et jusqu’aux “printemps” arabes, si désastreux et dont les conséquences malheureuses ne font que commencer.
 
Hervé Bry (opinion personnelle, n'engageant pas la CFTC)

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