2ème
partie : origines de la crise, des situations de crises.
Il y aurait mille choses à dire. Il
faut faire des choix. 3 caractéristiques sont de nature à attaquer
le sens du travail. Toutes bloquent les développements ci-dessus.
(1)Le gigantisme ; (2) le technicisme ; (3) l’économisme
(financiarisation).
(1) Gigantisme : économie
de marché a accouché de bureaucraties privée gigantesque,
mondiales, dont les effets pervers sur le travail n’ont rien à
envier aux bureaucraties publiques des administrations ou de l’URSS.
En plus, elle est mondiale ! Cela éloigne des centres de
décision. Cela allonge et complexifie les chaînes hiérarchiques ;
cela éloigne les chefs, marqueur identitaire essentiel pour
travailler. Les managers de proximité ne sont que des descendeurs de
règles établies à des milliers de km par des gens qu’on ne
connait pas, règles du coup devenues intouchables. Le Corporate,
auquel on ne peut pas dire que c’est un abruti puisqu’on ne le
connait pas. Les collaborateurs n’ont de prise ni sur les règles
ni sur les hommes. Cela détruit l’autorité des chefs de
proximité. Ils n’ont plus de leadership. Ce sont des passeurs de
plats. « Pourquoi je déciderais d’obéir aveuglément à un
type qui ne peut rien faire pour moi ? » Souffrance pour
le chef de proximité également : son travail n’est pas bon,
il ne peut pas être bon (bon au sens de « bien fait » et
au sens de « bienfait »). Le gigantisme blesse deux
dignités : celle de la hiérarchie et celle de l’exécutant.
L’évolution des technologies, NTIC, intègrent les règles dans
les machines, à travers le paramétrage des systèmes d’information.
Le cadre agit par les systèmes d’information, pas par son libre
arbitre. Le reporting fait que les managers ne sortent plus du
cockpit : ils se retrouvent déracinés du monde créateur, et
le reporting – le pilotage par indicateurs - ne permet pas l’agir
subjectif du travail, l’expression du talent, du savoir-faire, de
la culture.
Logiciel de la relation client :
tout est tabulé, le logiciel dit quel client appeler, demande un
feed-back et une confirmation d’exécution. Impression grandissante
de subir des forces organisationnelles sur lesquelles je n’ai pas
prise, forces et organisations sans auteur, donc sans autorité.
Pions à tous les étages. Ce sentiment (cette réalité) a tendance
à remonter dans toute la chaîne de la hiérarchie. Tous ont ce
sentiment d’être des ouvriers en col blanc, des exécutants
(executives) avec une carte de chef, des facteurs du siège.
Affaissement du pouvoir d’agir à tous les étages, pas de marge de
manœuvre. Envisager une prise de liberté en modifiant un process ou
une injonction, c’est une « Bataille avec le corporate, j’en
suis fatigué avant même d’avoir commencé ». Collision
brutale entre la toute-puissance des uns et l’impuissance des
autres.
(2) Technicisme. Il pourrait y
avoir un gigantisme alvéolaire et subsidiaire. Ça pourrait marcher.
Ce qui ne marche pas, c’est le technicisme + le gigantisme. C’est
croire que les règles de la solution que j’ai trouvée face à un
problème seront exécutées par un outil technique. Au bout,
j’aurais tout contrôlé !
Mais le travail ne peut pas, par
définition, être tabulé, car il est par nature erratique, du fait
qu’il contient une part d’art local, propre à une personne ou à
une culture régionale. L’outil empêche d’inventer et de
décider. Et en plus, on invente des systèmes de traçabilité qui
doivent prouver que les règles ont été suivies. Cela crée une
plus grande rupture encore avec le milieu réel, le monde
opérationnel.
C’est la formation au management qui
entretient ce mythe du technicisme. Formation initiale, à des gens
qui ne connaissent rien du monde du travail ; et tout est coupé
comme un saucisson, sans relation les uns avec les autres : RH,
finance, gestion, innovation, etc…
Rêve techniciste est également
entretenu par les consultants, qui ont là un marché captif qu’ils
entretiennent.
(3) Financiarisation =
changement majeur, technique, passé inaperçu. La financiarisation,
c’est le fait que les européens, Allemagne et France, qui avaient
des cultures nationales fortes, se sont depuis 20 ans ralliés au
modèle de gouvernance américain. Entreprise aux mains de personnes
« pas méchantes », des investisseurs dont le métier est
de massifier l’épargne mondiale pour qu’elle crée plus de
rendement. Les promesses de rendement devront être réalisées par
les entreprises qui bénéficient de ces fonds. (j’ajoute :
mais les cycles de temps ne sont pas les mêmes entre l’industrie –
temps long - et les promesses de rendement – temps court – et
obligations de rente – temps immédiat.)
La stratégie d’une entreprise
devrait être de faire un peu moins de profit dividendisé
pour relancer la machine à innovation. Il y a une finalité de
l’entreprise qui a commuté : c’est générer du cash, du
profit distribué aux financeurs. Ainsi, on privilégie la
distribution des dividendes : l’entreprise finit par autoriser
le rachat de ses propres actions pour soutenir le cours de bourse, ce
qui n’est pas un investissement ; pour atteindre plus vite des
objectifs de rendement, les financiers, les Conseils d’Administration
et les consultants spécifient, organisent et mettent en oeuvre la
chasse aux coûts : faire plus avec moins, ça a une limite,
« on ne peut plus faire » : protestation des cadres
à tous les niveaux de la hiérarchie, mais ils relaient les mots
d’ordre par obéissance, bien que n’y adhérant pas.
Le monde de la Finance oblige au
reporting financier quasi mensuel, alimenté par la ligne
hiérarchique qui, pendant ce temps, ne conduit pas les projets ni
les hommes.
Conclusion :
Le travail dévitalisé dans lequel ne
passe plus la vie. Nous les chrétiens, nous devons être entendus.
Et c’est le terrain d’origine du christianisme social, c’est
génétique chez les chrétiens. La pensée sociale chrétienne se
conceptualise à partir du travail, il faut donc que les chrétiens
réinvestissent ce sujet.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire