Dans son
interview à La Croix (20 juin), Pierre Gattaz, président du MEDEF,
montre à la fois des préoccupations humanistes et un référentiel
idéologique teinté de luttes de classes.
Commençons par le pire et finissons par le meilleur.
« Les Français ont trois problèmes »… « vous avez une
France »… « une France qui a laissé son industrie péricliter » : ces
éléments de langage montrent combien Pierre Gattaz se sent à l’extérieur
de la situation qu’il décrit. Il ne dit pas « Nous, les
français, nous avons 3 problèmes », ni « notre France », et ne remet pas
en cause, dans la désindustrialisation de notre pays, le rôle actif des
Conseils d’Administration et des C.E.O. qui, au nom de leur
optimisation, ont renié leur patrie en la privant des
emplois, de l’enracinement du peuple et de son industrie dans sa terre.
Et quand il accuse les français de se refermer sur eux-mêmes, a-t-il
seulement le début de la conscience que l’industrie s’est refermée sur
une logique propre, financière, en oubliant qu’elle
est le moyen donné aux hommes pour leur épanouissement, et non sa propre
finalité ?
Pierre Gattaz demande à tous les acteurs (population et hommes
politiques) d’accepter l’économie de marché : « on n’a pas trouvé
mieux », assène-t-il. Pas si sûr. Durant les 30 glorieuses, l’économie
était moins libérale, plus politique, plus équilibrée.
Aujourd’hui est différent, certes, mais demain est à construire. Qui est
enfermé dans sa logique ? Beaucoup de nos concitoyens sont enfermés
dans des peurs, et le patron des patrons est, lui aussi, enfermé dans
son propre système, dans son propre immobilisme.
Pierre Gattaz aurait pu, ici, mentionner les alternatives économiques
(Foccolari, économie solidaire, circuits courts, définanciarisation,
SEL, etc)
De même lorsqu’il dit que l’entreprise est la cellule de base de la
société française : cela montre à quel point son référentiel est
auto-centré, mais, se rappelant à qui il s’adresse, Pierre Gattaz
ajoute : « c’est une communauté de vie, la plus belle
après la famille ». Ouf, on respire : quelque-chose dépasse
l’entreprise.
« C’est comme un bateau dans la tempête : si le capitaine explique « on
est à 3 jours du port, on va travailler dur, et tous à son poste, ça va
secouer très fort mais je sais où est le port et le bateau est solide »,
alors, l’équipage suit et arrive
au port. Aujourd’hui, on ne sait pas si le bateau France est solide et
si le capitaine a un cap ». L’analogie est intéressante, mais Pierre
Gattaz ne va pas jusqu’au bout. Le problème de la désespérance de notre
peuple est qu’il croit qu’il n’y a pas de port,
parce qu’on lui répète que rien ne s’arrêtera jamais, que la concurrence
est partout toujours plus rude, etc…
Et comme il n’y a pas de port, l’errance dans la tempête n’a pas de
sens. Et comme il n’y a plus de paradis, même au Ciel, c’est la vie
elle-même, pèlerinage terrestre, qui n’a plus de sens.
Quant à la question de la rémunération des patrons, Pierre Gattaz
veut « récompenser la réussite », ce qui est juste, et qui serait encore
plus juste s’il intégrait dans son raisonnement ce fait indubitable :
la réussite et les efforts sont ceux de tous :
ceux qui sont licenciés, ceux qui restent pour travailler plus et qui
subissent les changements d’organisation. Le partage équitable n’est pas
abordé, et c’est dommage qu’il n’y ait pas un mot pour tous les niveaux
hiérarchiques, de Carlos Ghosn à l’intérimaire.
La fin de l’interview est plus heureuse : Pierre Gattaz cite la
CFTC comme courageuse, met la priorité sur l’outil « dialogue social »,
vague héritage des corporations de l’ancien régime. Pourtant, on
retrouve immédiatement l’idéologie voltairienne lorsqu’il
dit que , en cas d’échec, il faudrait « quelqu’un d’éclairé qui fasse
les réformes en 6 mois ». Un despote éclairé. On sait ce que cela a
donné dans l’Histoire.
Cet été, le MEDEF se lancera dans une grande opération de
communication pour redorer son blason : tournée des plages, Tour de
France….et cela est excellent : des entrepreneurs à la rencontre des
français durant leurs congés payés, c’est tout un symbole,
et une occasion de retisser des liens, d’enraciner Monsieur Gattaz dans
notre peuple de France qui l’a mis au monde et auquel il appartient.
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